Ce soir, le choix était assez difficile... Fallait-il opter pour une légende, en l'occurrence Neil Young au Zénith, aller voir les énergumènes montants de Naive New Beaters à l'Élysée Montmartre ou écouter la petite voix intérieure qui nous susurrait qu'il fallait impérativement aller voir Jarvis Cocker au Bataclan ? Comme on ne se refait pas, on a suivi son coeur, certain que le leader du défunt Pulp ne pouvait pas nous décevoir... Direction le Boulevard Voltaire donc pour une soirée au Bataclan. Bingo ! C'était tellement bien qu'on s'en serait voulu de manquer ça... Un des meilleurs concerts de ces derniers mois !

On arrive dans la salle au moment où Jarvis et son groupe terminent le premier morceau. Il s'agit de "Pilchard", instrumental psychédélique extrait de Further Complications (Because), le deuxième album solo de Jarvis Cocker, dans les bacs depuis quelques jours. Après cette entrée en matière originale, on passe aux choses sérieuses avec "Angela", single aux grosses guitares qui dépotent, témoin du virage rock pris par Jarvis sur son nouvel opus. Un "Further Complications" gonflé à la testostérone pour confirmer... L'ambiance monte illico et la toute première ovation de la soirée salue ce morceau.

Jarvis commence à se lâcher. Il prend possession de la scène et de la salle. Il ne relâchera pas son emprise sur le public avant la fin. Et force est de constater que l'on est tous sous le charme de ce lutin bondissant. Dr Jekyll à la ville, Jarvis Cocker, homme au look plutôt ordinaire, se transforme en Mister Hide dès qu'il foule les planches. Incroyable de présence scénique, il va livrer un spectacle époustoufflant, tant du point de vue musical que visuel.

Tour à tour rockeur, pantin mécanique aux gestes saccadés, crooner à la voix de velour, cabotin avéré ou danseur disco, Jarvis Cocker se livre sans retenue. Avec une intensité palpable... Un performer au vrai sens du terme ! Avec lui, un concert prend tout son sens. Il ne se contente pas d'aligner des morceaux tous identiques à ceux que l'on peut écouter sur ses albums. Le spectacle est total et c'est carrément jouissif !

Qu'il refasse son lacet en nous expliquant dans un français approximatif comment lui est venue l'idée de "Slush", qu'il joue la séduction à fond sur le génial (et plus Pulp que jamais) "I Never Said I Was Deep", qu'il demande à une jeune femme du public de lui tenir son verre de vin, qu'il procède à un lent striptease en enlevant sa veste, relevant ses manches de chemise, desserrant sa cravate pour finalement la balancer (il s'arrêtera là), qu'il se démène comme un fou qui viendrait d'être libéré de sa camisole sur un "Homewrecker !" carrément hystérique ou qu'il parle de paléontologie dans une chanson d'amour impeccable comme "Leftovers", on le suit le sourire aux lèvres.

La première partie du concert s'achève sur l'excellent "Black Magic", ovationné dès l'intro. La chemise de Jarvis est trempée mais ça ne l'empêche pas de s'agiter encore et toujours, d'arpenter inlassablement la scène tandis que le titre évolue vers un final apocalyptique, tout en guitares saturées et déflagrations sonores.

L'Anglais et son groupe reviendront deux fois pour finir en apothéose sur "You’re In My Eyes". Jamais à court d'idées, Jarvis Cocker trouve encore le moyen de nous bluffer avec une énorme boule à facettes qui se met à tourner lentement au dessus de nos têtes. Eclairée par un projecteur, elle renvoie mille feux et transforme le Bataclan en boîte de nuit. Et Jarvis de se déhancher langoureusement dans une chorégraphie totalement incroyable faisant corps avec le côté disco psychédélique du morceau. On en a encore des étoiles dans les yeux !

SLB

Site de Jarvis Cocker