Une soirée comme l'EMB en a le secret... La salle de Sannois reçoit le Suédois Peter Von Poehl qui vient de sortir un deuxième album, May Day, absolument magique, véritable bijou de pop ciselée aux mélodies parfaites. Quant à la première partie, c'est Sophie Hunger qui s'en charge. La jeune Zurichoise, déjà très connue en Suisse, a sorti Monday's Ghost en Février. Un premier album mature qui la place aux côtés de PJ Harvey ou Shannon Wright. Au vu d'un tel programme, qui peut bien avoir envie de se coltiner les embouteillages de départ en week end...

En fait, la soirée n'est pas vraiment divisée en première partie + concert principal comme à l'habitude puisque Sophie Hunger et Peter Von Poehl vont offrir au public des prestations de durée sensiblement égale, soit environ 1h15, et bénéficier tous deux d'un rappel. C'est la Suissesse qui commence. Sophie Hunger compose essentiellement en anglais même si quelques morceaux sont en suisse allemand, sa langue naturelle. C'est d'ailleurs le cas des deux titres qui ouvrent le set, "D'Red", morceau qu'elle joue au piano solo et qui n'apparait ni sur son album autoproduit, Sketches on Sea (2006), ni sur le Monday's Ghost sorti chez nous en Février, et "Walzer Für Niemand", très belle chanson commencée en piano voix puis accompagnée d'un trombone et d'une guitare acoustique.

Sophie Hunger va jouer quatorze titres en équilibrant sa setlist : la moitié des morceaux proviennent de Monday's Ghost et l'autre mélange reprises, titres anciens et nouveautés. Après un calme et inconnu "Travelogue", qu'elle fait seule à la guitare, l'ambiance s'électrise. Son groupe au complet, en formation basse, batterie, trombone, piano ou guitare, l'a rejointe. C'est tout d'abord l'excellent "Shape", zèbré de fulgurances qui ne sont pas sans rappeler Shannon Wright sur Dyed In The Wool ou encore PJ Harvey sur Is This Desire, ovationné, puis "Drainpipes" et "The Boat is Full" joué très rock. Retour au calme avec la reprise inattendue d'un morceau de Noir Désir, "Le Vent Nous Portera", dont on retiendra un solo de trombone vraiment extra.

Le très beau "Rise And Fall", essentiellement en piano voix, entrecoupé d'un intermède vocal à cinq voix chantant en suisse allemand, termine la prestation.

Le rappel sera folk avec "Hotel Belfort" en solo à la guitare acoustique, morceau sur lequel la voix de Sophie Hunger prend des accents de Suzanne Vega, puis "Like a Rolling Stone", en hommage à Bob Dylan, salué d'une belle ovation. On regrettera un peu l'absence de "The Tourist", l'un des meilleurs titres de Monday's Ghost et on rappellera que Sophie Hunger passe aux Bouffes du Nord le 24 Juin.

Le temps de changer le matériel et Peter Von Poehl débarque, souriant et décontracté, guitare acoustique sur l'épaule... Il commence sur "28 Paradise", un morceau pour l'instant inédit et que nous avions eu l'occasion de découvrir lors de son tout récent passage à la Cigale. C'était il y a un mois. Le concert de ce soir sera donc assez proche de celui donné à la Cigale, la setlist est juste un poil plus courte, mais on n'a pas pu résister... Laisser passer un concert de Peter Von Poehl qui a lieu pas trop loin de chez soi alors que ce jeune homme est l'un des plus talentueux mélodistes actuels est tout simplement impossible...

On l'aurait forcément regretté ! Et puis, deux concerts sont rarement identiques. Par exemple, ce soir il n'y a pas de violoncelle... Les orchestrations s'en trouvent sensiblement modifiées et la coloration de certains morceaux est ainsi un peu plus rock. Et voir un artiste dans une salle comme l'EMB permet au public d'être au plus près de la scène et à l'artiste d'installer une certaine intimité avec la salle, la communication se crée naturellement... En plus, entendre Peter Von Poehl raconter ses petites histoires pour expliquer comment lui est venu tel ou tel morceau, des histoires dont lui seul a le secret, est absolument fabuleux. Il y a celle de ce groupe de jazz qui débarque de l'avion aux Etats Unis en pleine tempête de neige et qui se perd dans la nuit en

rase campagne... Peter Von Poehl la raconte pour introduire un "A Broken Skeleton Key" toujours aussi extra, avec ce gimmick de clavier qui trotte dans la tête et vous poursuit, morceau particulièrement enlevé ce soir et qui va finir très rock sous une belle ovation. Le rapport avec la petite anecdote du début ? Il n'y en a pas !

Il y a aussi l'épisode de "Tooth Fairy (Part 1)" mais je l'ai déjà raconté ailleurs ou encore l'intermède de "Parliament"... Cet impeccable single de May Day (Tôt ou Tard) démarre sur les chapeaux de roue puis, brutalement, Peter Von Poehl l'interrompt pour expliquer que ce titre n'est en aucun cas politique mais parle d'un orchestre bancal... Le chef d'orchestre est sourd, les cuivres ne sont pas au point, les percussions ne sonnent pas, le guitariste est parti... Un vrai cauchemar qui fait un très chouette morceau ! Tout ça pour vous dire qu'on l'adore Peter Von Poehl ! Lui, ses mélodies incroyables (quelle délicatesse dans ce superbe "May Day" ou dans ce trop court "Forgotten Garden"), ses histoires et sa gaucherie touchante quand il les raconte, son grand sourire et ses concerts qui vous mettent la joie au coeur...

Le concert s'achève sur "An Eye for an Eye" pour lequel Peter Von Poehl demande l'aide de la salle qui s'exécute avec grand plaisir. L'ensemble des musiciens saluera sous une ovation méritée et qui fait plaisir à entendre. Malgré l'heure tardive et le risque de manquer le dernier train, le public est resté et on le comprend !

SLB

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