Côté musique pop, la Suisse n'est pas envahissante... A part Stephan Eicher que tout le monde connait, surtout en France, et les excellents The Mondrians, sorte de Libertines version helvète dont on attend avec impatience le premier album, je ne vois pas grand chose d'autre... Et bien, désormais, il faudra aussi compter avec Sophie Hunger ! Cette jeune zurichoise n'a pas peur de brûler les étapes... En 2006, elle enregistre un album intitulé Sketches On Sea en référence au Sketches For My Sweetheart The Drunk de Jeff Buckley. Conçu à la maison, ce premier essai est autoproduit. Assez brut et réalisé avec les moyens du bord, il recèle déjà des ébauches de "The Tourist" et "Beauty Above All" réenregistrées depuis pour ce Monday’s Ghost qui sort aujourd'hui. Sophie Hunger part alors en tournée pour se faire connaitre. D’un concert à l’autre, l'accueil est unanime, elle fascine un public médusé et son aura ne cesse de grandir. De succès underground, elle devient un véritable phénomène en Suisse et son disque se vend plutôt bien. Elle enregistre son second album en Janvier 2008. Pour Sophie Hunger, Monday’s Ghost est son véritable premier disque. D'abord parce qu'il est enregistré en studio et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit des studios ICP à Bruxelles, lieu cher à Alain Bashung, Joseph d'Anvers, Dominique A ou encore Stephan Eicher, pour n'en citer que quelques uns, ensuite parce que Monday’s Ghost a été fait avec un vrai groupe (Christian Prader à la flûte, à la guitare et au piano, Michael Flury au trombone, Marcello Giuliani à la basse) et enfin parce que cet album a été produit. C'est Marcello Giuliani (complice d’Etienne Daho, Jane Birkin ou Erik Truffaz) qui s'est chargé de la production. En Juillet 2008, Sophie Hunger se produit au prestigieux Montreux Jazz Festival dont elle est l'une des grandes révélations. Elle signe alors chez Universal Jazz qui ressort Monday’s Ghost jusqu'alors uniquement disponible en Suisse.

Dès la première écoute de Monday’s Ghost, on est tout à la fois charmé et impressionné. Charmé par la voix de Sophie Hunger et par ces treize morceaux qui se baladent allègrement d'un genre à l'autre. Du folk habité et hanté de fulgurances déchirantes façon Shannon Wright (celle de Dyed In The Wool) sur le génial "Shape" qui ouvre l'album ou sur le splendide "Monday's Ghost", on passe à un rock écorché qui fait penser à celui de PJ Harvey (époque To Bring You My Love ou Is This Desire) sur l'excellent "The Tourist" à la rythmique implacable. On revient ensuite vers un folk Dylanien des plus classiques avec ce "Birth-Day" qui ne trompe pas sur les influences de la jeune femme (de l'harmonica à la façon de chanter, tout y est) pour s'aventurer enfin vers une pop aux accents atmosphériques sur le superbe "House Of Gods". Ce titre, tout comme le très beau "Rise And Fall", avec un piano omniprésent, rappelle les virages pris récemment par PJ Harvey et Shannon Wright sur leurs derniers albums respectifs, les très épurés White Chalk et Let in the Light.

Oui, on est réellement impressionné par la maturité de cet album, sa subtilité et sa richesse, le nombre de perles qu'il renferme et la qualité des arrangements. Vraiment, un grand bravo !