Je n'ai découvert que très récemment Joseph d'Anvers. Oui, je sais, honte sur moi ! J'assume ce moment d'égarement et je vais faire de mon mieux pour me faire pardonner ... l'impardonnable ! A la faveur d'un concert à l'EMB (Sannois) où j'étais venue pour Elista, je me suis retrouvée littéralement emballée par le set de Joseph d'Anvers. La prestation élégante, la voix, la musique, les thèmes ... tout, dans l'univers de ce jeune homme, trouvait une certaine résonance en moi. Je décidai donc sur-le-champ - enfin, sur le trajet du retour - de chroniquer son album.

Commençons par un bref historique ... Joseph d'Anvers débarque à Paris à l'aube du nouveau millénaire et commence par se lancer dans des études liées au cinéma. Il suit même des cours à la Fémis qui lui donnent une casquette de chef opérateur sur quelques tournages ... L'appel de la musique se fait pressant et Joseph délaisse le 7^ème art ... Muni de quelques compositions, il écume les bars accompagné de ses deux complices, rencontrés en 2003, Ludovic Legros à la contrebasse et Raphaël Seguinier aux percussions. Dans le même temps, des maquettes sont envoyées à droite, à gauche. Le travail et la pugnacité finissent par payer : d'abord une troisième place au CQFD 2004 puis une signature chez Atmosphériques en 2005. Dès lors les choses s'enclenchent tout naturellement : un album est enregistré aux studios ICP de Bruxelles au printemps 2005 puis mixé aux studios de la Seine à Paris durant l'été avant d'arriver dans les bacs début 2006 avec ses 14 titres prêts à en découdre avec le public. Ce même album, Les Choses en Face (Atmosphériques), ressort fin 2006 - ce qui tombe bien finalement pour ma chronique - avec un DVD bonus et trois nouveaux morceaux dont une très belle reprise d'un titre de Taxi Girl "Je Suis Déjà Parti", une version alternative d'un titre par ailleurs déjà présent sur la 1^ère édition, "Les Amants" et un titre inédit, "En Ville". Le DVD comprend le clip de "Comme un Souffle", titre figurant sur l'album et le making off de l'enregistrement de l'album. Les Choses en Face a été enregistré sous la houlette de Jean-Louis Piérot (ancien membre des Valentins et collaborateur de Bashung, Brigitte Fontaine, Daho, Daniel Darc ...), gage de qualité s'il en est ...

Pour en venir enfin à l'album en lui-même, j'en avais entendu la quasi totalité des morceaux en concert ... L'effet de surprise n'étant plus là, j'ai pu passer directement à la phase 2 et en savourer chacun des titres. Quel bonheur ! Et toujours ce petit frisson d'excitation, cette pointe d'émotion qui m'étreint lorsque je découvre un artiste dont j'épouse totalement l'univers. Et dire que ça n'est que son 1^er album ! Difficile de croire que l'on tient là un premier jet tant cet album fait preuve de maturité ! La qualité des textes, la voix assurée et bien posée, les musiques tantôt sobres tantôt extrêmement travaillées ... quel talent !

Quatorze ballades qui suintent la rupture et le désarroi, quatorze titres pétris de mélancolie, aux mélodies tout en finesse qui viennent soutenir des textes bâtis comme autant de mini scénarios, formation cinématographique oblige ... Pour ceux qui veulent à tout prix des références, on peut évoquer bien sûr Dominique A - la voix de Joseph d'Anvers y fait assez souvent penser et son univers est proche de celui du Nantais - mais Daniel Darc (qui lui a donné le courage de poursuivre dans la voie choisie lors d'un coup de blues) ou encore Miossec (venu prêter sa voix pour un duo sur "La Vie Est Une Putain") peuvent également être cités. On peut aussi noter un parallèle étonnant avec ce qu'a pu faire Yves Simon avant les années 80. Déjà, les parcours sont assez similaires. Yves Simon monte, en effet, à Paris, à 19 ans, pour préparer le concours d'entrée de l'IDHEC (école de cinéma fondée en 1943; la Fémis, qu'a fréquentée Joseph d'Anvers, lui a succédé en 1986). Ensuite, comment oublier qu'Yves Simon a chanté "Les Héros de Barbès" (Raconte-Toi - 1975) et le boulevard Rochechouart ("Le Joueur d'Accordéon" - Respirer, Chanter - 1974), jalons d'un quartier que Joseph d'Anvers affectionne et chante sur "Pigalle", enfin comment ne pas penser à Yves Simon encore sur "Paris s’allume sous mes pas", tant par la voix que par l'ambiance et la mélodie. Je ne sais pas si Joseph d'Anvers a écouté Yves Simon ou si tout cela est fortuit mais le résultat est des plus heureux en tous cas.

L'ensemble, malgré les thèmes abordés, est lumineux à souhait ... Comment résister à la beauté de titres comme "A Contretemps", "Pigalle"", En Colimaçon", "Les Amants", "Les Trêves", "Paris s’allume Sous Mes Pas" ou encore "Les Cicatrices", véritables concentrés d'émotion et de poésie ? Comment ne pas frissonner devant la rage toute contenue de La Vie est une Putain" ? L'adjonction d'un orchestre de cordes (dirigé par Nicolas Stevens) sur certains titres est une excellente idée, la production est impeccable ... Que dire de plus ? Un album éblouissant dont j'attends déjà la suite avec impatience !