Après avoir investi la salle du Boulevard Rochechouart plusieurs jours d'affilée fin 2006, Vincent Delerm inaugure cette année une nouvelle formule avec ses Lundi à la Cigale. Ces escales parisiennes jalonnent la tournée entamée pour la sortie de son dernier opus, l'excellent Quinze Chansons paru en Novembre dernier, et nous fournissent une très bonne occasion d'aller goûter au nouveau spectacle d'un chanteur à la réputation scénique qui n'est plus à faire. En première partie, nous découvrons Joseph Leon et son folk rêveur.

C'est Joseph Leon qui ouvre la soirée. Ce jeune homme commence sérieusement à faire parler de lui sur la scène folk parisienne. Il est signé chez Dièse, le label qui nous a permis de découvrir les Diving with Andy, et son premier album, Hard As Love est attendu pour fin Mars. Une casquette enfoncée sur la tête nous masque son regard et une barbe bien fournie mange une partie de son visage... Joseph Leon chercherait-t-il à se dissimuler ? Peu à l'aise apparemment, il nous avoue avoir un sacré trac... Cela ne l'empêche pas de charmer l'auditoire avec ses ballades bucoliques ("The Holiday Song", "One In, One Out", "Let Me Out") extrêmement lentes qui ressuscitent un songwriting rêveur à la Nick Drake.

Nous aurons certainement l'occasion de reparler de Joseph Leon, que ce soit pour la sortie de Hard As Love ou pour un prochain concert... Il assurera, entre autres, la première partie de Hugh Coltman à l'Alhambra le 11 Mars, un Hugh Coltman que, coïncidence, je croise ce soir à la Cigale pendant l'entracte...

Le spectacle que Vincent Delerm a choisi de nous offrir est résolument orienté cinéma. Il s'ouvre sur le gimmick des films MGM, rugissement du lion de la Metro inclus, et se refermera sur un générique de fin listant tous les acteurs de ce soir. Entre-temps se seront écoulées près de 2h20 d'un film où vont se succéder petits scénarios de notre quotidien chantés et mis en musique par Delerm, intermèdes parlés qui lui permettent de nous compter avec humour anecdotes personnelles

et autres histoires de son crû, réclames pour les commerçants de la région rouennaise tout droit sorties de films des années 1970, extraits sonores, distribution de confiseries par de jolies ouvreuses, projections tirées de films et hommages à ses cinéastes préférés, le tout dans un décors très music-hall...

Honneur au cinéma donc, ce soir, et, logiquement Vincent Delerm attaque sur "Tous Les Acteurs S’appellent Terence" tandis que les silhouettes en carton, grandeur nature, de couples hollywoodiens dansent sur la scène. Petit clin d'oeil, les visages d'acteurs célèbres ont été remplacés par ceux des musiciens (Ibrahim Maalouf à la trompette, au piano et au vibraphone et Nicolas Mathuriau à la batterie et au piano) et de Vincent Delerm. On embraye sur "Deauville Sans Trintignant", superbe dans une version piano solo rejoint ensuite par la trompette tout en douceur d'Ibrahim Maalouf et, bien sûr, accompagné de la voix off de Trintignant extraite du film "Un Homme et une Femme". Ces deux morceaux illustrent les deux pôles autour desquels on va graviter ce soir. En effet, la majorité des chansons du spectacle proviennent soit du premier album de Delerm soit de Quinze Chansons.

"Le Monologue Shakespearien" avec ses paroles projetées à l'écran dans un film noir et blanc tressaillant, sorte de Karaoké retro, reçoit un franc succès. Plus loin, c'est un bel hommage à Tati sur la musique nostalgique des "Vacances de Monsieur Hulot" puis à

Woody Allen sur un "Lincoln Palace" doucement jazzy et inédit. Le réalisateur New Yorkais pose en couverture d'un vieux numéro de Life traînant négligemment sur le piano...

On rira aussi beaucoup durant cette soirée... Et puis on votera à main levée pour savoir s'il est préférable de jouer la version classique ou la version fraîcheur de "Tes Parents". Ce deuxième choix l'emportera finalement... Les superbes "Et François de Roubaix Dans Le Dos" et "Martin Parr" nous colleront des frissons tandis que "Les Filles De 1973 Ont Trente Ans" sera joyeusement repris en choeur par le public.

Bien sûr, Vincent Delerm rendra également hommage à François Truffaut, ce cinéaste qu'il admire au point de lui avoir consacré son mémoire de maîtrise... Au travers de "L'Amour En Fuite" d'abord, titre qu'Alain Souchon avait composé pour le film du même nom, indirectement en chantant "Fanny Ardant et Moi", l'actrice ayant été la dernière compagne du cinéaste, puis en dédiant cette soirée à Madeleine (Morgenstern, la femme de Truffaut, disparue aujourd'hui), Laura et Eva, ses deux filles présentes ce soir...

Après pas moins de quatre rappels et un "Evreux" tout en douceur pour finir, piano/trompette vraiment superbe, Vincent Delerm va s'esquiver... On quitte la salle sous le charme, avec cette idée pas si folle que ça, et si on revenait lundi prochain ?

SLB

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