Tout comme son prédécesseur, le splendide
Will Anyone Else Leave Me, le
nouvel album de The Delano Orchestra s'envisage comme un tout et non comme autant de morceaux calibrés et préformatés, fabriqués à la chaîne pour un éventuel
passage en radio. Non, Now That You Are Free My Beloved Love, est tout simplement le troisième volume des carnets intimes qu'Alexandre Rochon souhaite nous livrer et cet
album ne peut s'écouter que d'une traite, seule façon d'en ressentir l'homogénéité et la force et d'être touché par sa beauté. Pour renforcer encore cette unité voulue, le groupe
a enregistré NTYAFMBL en une seule prise de 46 minutes. Jolie performance...
Now That You Are Free My Beloved Love s'ouvre sur le somptueux "Not an Ending". Si la rythmique est clairement ancrée dans le post rock, domaine de prédilection de
The Delano Orchestra, l'esprit en est, ma foi, assez pop. Les envolées vocales délicates font penser à du Patrick Watson, les guitares sont audacieuses et parfois
même arrogantes, balançant leurs fulgurances comme autant de coups de gueule... Comme d'habitude, Alexandre Rochon, l'âme du groupe, tisse une dentelle impeccable. On est sous le charme
immédiatement. "Seawater" fouille la même veine plutôt pop... Un lyrisme ébouriffant, une allégresse communicative portée par une ritournelle entraînante qui s'envole ensuite
vers des cieux plus atmosphériques... Dans la construction, on n'est pas loin du "Castaways" de
Shearwater.
Le reste de Now That You Are Free My Beloved Love est plus conventionnel. Attention, n'allez pas voir là une appréciation négative... Conventionnel s'entend au sens où
The Delano Orchestra arpente ses sentiers préférés, des chemins tortueux nous livrant des morceaux en plusieurs mouvements, un genre de concertos modernes à rebours...
Les trois mouvements sont (souvent) là mais, à la différence des concertos classiques, on alterne ici un mouvement lent, un rapide, un lent. Très doucement, le chant, en un
murmure qui pourrait se lire comme une complainte amoureuse sussurée à l'oreille de sa bien aimée, prend possession du morceau avant de céder la place à un embrasement où les
déflagrations de guitare viennent zébrer le calme de leurs stridences emportant le morceau vers d'autres sphères. Puis la voix fragile reprend la main, installant
respiration et quasi silences pour un final crépusculaire. Dans ce registre, "Someone I Could Not Hurt" ou "Now That You Are Free My Beloved Love" sont des modèles du genre
dont on se délecte avec gourmandise.
Un peu à part, on n'oubliera pas de citer "Modest Life", morceau vraiment énorme, qui déroge à ce schéma en plusieurs mouvements. Une voix filtrée, un son volontairement
crade... On ne peut éviter d'y voir un très bel hommage d'Alexandre Rochon à Mark Linkous, leader hélas disparu de Sparklehorse, influence certaine des débuts de
The Delano Orchestra. Enfin, on soulignera une évidence qu'il est cependant bon de pointer une fois encore... Comme toujours avec le groupe Clermontois, les
arrangements sont d'une grande élégance et les orchestrations impeccables. Fans nous sommes, fans nous resterons !
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